Comment reconnaître un éditeur scientifique fiable ?
La régulation du secteur de l’édition scientifique en Afrique fait face à des défis majeurs en raison des politiques nationales souvent absentes ou insuffisantes. La prolifération des maisons d’édition et de l’autoédition rend urgent l’établissement de critères pour identifier ce qui peut être considéré comme un livre scientifique, essentiel pour la promotion académique. En France, par exemple, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche déploie depuis plusieurs années une politique pour l’édition scientifique, secteur stratégique influencé par l’émergence du numérique, le développement de la science ouverte et la généralisation de l’usage des données. (MESR, 2023)
Problématique de l’édition scientifique
L’absence d’une politique claire en matière d’édition scientifique (livres et articles scientifiques) suscite des questions cruciales au sein des milieux universitaires et scientifiques. Quels ouvrages doivent être considérés comme scientifiques ? Quels manuels doivent être agréés dans les programmes scolaires et universitaires ? Quels écrits peuvent être référencés dans des travaux académiques ? Quels éditeurs et revues scientifiques sont fiables ? Ces interrogations préoccupent profondément les acteurs du système éducatif et scientifique, nombreux étant ceux qui, dépourvus de repères fiables, peinent à formuler des jugements éclairés. En conséquence, d’énormes problèmes surgissent : rejet de certaines revues ou éditeurs, recours à des jugements de valeur au lieu de s’appuyer sur des critères scientifiques et réglementaires. Cela engendre également des défis considérables dans l’agrément des manuels scolaires et le processus de promotion scientifique.
Critères pour reconnaître un éditeur scientifique fiable
Le Committee on Publication Ethics (COPE), le Directory of Open Access Journals (DOAJ), l’Open Access Scholarly Publishers Association (OASPA) et la World Association of Medical Editors (WAME) sont des organisations oeuvrant dans le domaine de la publication scientifique et qui ont collaboré afin de définir des principes de transparence et de bonnes pratiques pour l’édition scientifique (Érudit, 2024).
Pour ces organisations, voici les éléments clés à considérer :
ÿ Transparence des informations : Un éditeur fiable doit fournir des informations claires sur le titre de la revue (sa marque éditoriale), son site web, et son calendrier de publication. Les modalités de droit d’auteur et de licence doivent également être clairement indiquées.
ÿ Évaluation par les pairs : L’éditeur/la revue doit avoir un processus d’évaluation par les pairs rigoureux, impliquant des experts externes au comité éditorial. Les détails de ce processus doivent être accessibles sur le site de la revue. Pour les pays membres du CAMES (Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Centrafrique, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée Équatoriale, Madagascar, Mali, Niger, R. D. Congo, Rwanda, Sénégal, Tchad & Togo), un éditeur scientifique doit avoir un comité exclusivement composé d’enseignants universitaires de rang magistral. (CAMES, 2020)[1]
ÿ Comité éditorial : Un éditeur digne de confiance doit avoir un comité éditorial composé de spécialistes reconnus dans le domaine. Les noms et affiliations des membres doivent être publiés et régulièrement mis à jour.
ÿ Pratiques commerciales claires : Tous les frais associés à la soumission et à la publication doivent être clairement indiqués. Si des exonérations de frais sont possibles, cela doit également être précisé.
ÿ Archivage numérique : Une stratégie d’archivage numérique doit être en place pour garantir la pérennité des contenus publiés, même si l’éditeur cesse ses activités.
C’est pourquoi, des initiatives internationales sont mises en place afin de créer des bases de données recensant les éditeurs et les revues.
- Pour les éditeurs : l’AFNIL (Agence francophone pour la numérotation internationale du livre) est l’organisme de régulation et de normalisation chargé de l’attribution des codes ISBN et EAN à tous les éditeurs francophones. Vérifiez les éditeurs reconnus par l’AFNIL sur ce lien : https://www.afnil.org/search-editors
- Pour les revues : Le centre international de l’ISSN (International Standard Serial Number) attribue les identifiants uniques aux revues pour leur traçabilité internationale. Vérifiez les revues reconnues par l’ISSN sur ce lien : https://portal.issn.org
Par ailleurs, le Fichier Exhaustif du Livre (FEL) est une base de données essentielle pour la diffusion internationale des ouvrages. Elle met en relation éditeurs, libraires et lecteurs. Pour vérifier la présence d’un éditeur dans le FEL, vous pouvez consulter :
- Dilicom « Réseau du livre » : https://dilicom-prod.centprod.com/liens_pratiques/annuaire.html
- La Banque du Livre « BDL »: https://bdl.centprod.com/liens_pratiques/annuaire.html
ÿ Conformité aux normes éthiques : L’éditeur doit respecter des normes éthiques strictes, notamment en matière de plagiat et de manipulation des données. Des politiques claires doivent être établies pour traiter les allégations d’inconduite.
ÿ Accessibilité et sécurité du site web : Le site web de l’éditeur/la revue doit être sécurisé (utilisation de HTTPS) et régulièrement mis à jour pour protéger les utilisateurs contre les menaces en ligne.
ÿ Reconnaissance légale
L’éditeur doit être légalement reconnu, avec les autorisations nécessaires conformément à la législation de chaque pays. Il est essentiel que les éditeurs respectent les réglementations locales pour assurer la qualité et la légitimité de leurs publications (Durand, 2018).
ÿ Adresse physique localisable
Une adresse physique permet de lutter contre les éditeurs prédateurs et/ou fantômes. Selon l’AFNIL (2021), la traçabilité d’un éditeur est un indicateur de sa fiabilité et de sa transparence.
Points de vigilance
Quelques signes doivent alerter sur la fiabilité d’une maison d’édition :
- Absence de comité scientifique qualifié.
- Inexistence sur internet (notez que la visibilité d’un livre sur des sites de vente comme Amazon, Fnac, Africavivre, etc. n’ajoute aucune valeur scientifique à la qualité scientifique)
- Manque d’adresse localisable.
- Absence de site web
- L’adresse courriel de contact n’est pas professionnelle (du type (@gmail.com, @com, etc.).
- Notez que « les revues et les éditeurs prédateurs sont des entités qui privilégient l’intérêt personnel au détriment de l’érudition et se caractérisent par des informations fausses ou trompeuses, un écart par rapport aux bonnes pratiques rédactionnelles et de publication, un manque de transparence et/ou le recours à des pratiques de sollicitations agressives et sans discernement. » (Antoine Bere, 2022).
Note
Tout éditeur n’est pas censé publier des œuvres scientifiques. Par conséquent, l’autoédition et les éditeurs sans comité scientifique sont des pratiques à exclure dans le cadre de la promotion et de la reconnaissance d’une œuvre en tant que produit scientifique de qualité.
Références
AFNIL. (2021). Agence francophone pour la numérotation internationale du livre. Consulté à l’adresse : https://www.afnil.org/search-editors/
Antoine Bere (2022) « Les revues prédatrices : comment les reconnaître et les éviter? », Université Joseph KI-ZERBO, Ouagadougou, Burkina Faso, Membre du Comité technique de vérification des revues (CTVR) du CAMES, cames, Bulletin trimestriel des communeautés universitaires de l’espace CAMES, CAMES INFO / NO. 30 • MARS 2022
CAMES (2020), Arrêté N° 00040/2020/CAMES/SG/SS du 20 septembre 2020 portant création, organisation et fonctionnement du Comité technique de vérification des revues du CAMES (CTVR-CAMES).
Caroline Dandurand (2022). Préfiguration d’une structuration collective des éditeurs scientifiques publics engagés dans la science ouverte. [Rapport de recherche] Comité pour la science ouverte.
Dandurand, C. (2022). L’édition scientifique : Défis et perspectives. Paris : Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Durand, P. (2018). La régulation de l’édition scientifique en Afrique francophone. Paris : Éditions du Savoir.
MESR (2023), L’édition scientifique, url : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/l-edition-scientifique-92391
Érudit (2024), Transparence et bonnes pratiques [en matière de l’édition scientifique], URL : https://www.erudit.org/public/documents/transparenceDOAJ.pdf
[1] Arrêté N° 00040/2020/CAMES/SG/SS du 20 septembre 2020 portant création, organisation et fonctionnement du Comité technique de vérification des revues du CAMES (CTVR-CAMES). Le CAMES a institué un Comité technique de vérification des revues (CTVR), chargé entre autres de l’appui-conseil aux évaluateurs externes, aux Présidents des jurys des Comités techniques spécialisés (CTS) pour déterminer le statut des revues et ouvrages de publication utilisés par les candidats dans leur dossier de demande d’inscription sur les listes d’aptitude aux fonctions des différents gades de l’enseignement supérieur et la recherche scientifique.