RDC : le  téléphone portable, une menace silencieuse pour l’éducation des adolescents à Lubumbashi

Lubumbashi, 6 avril 2025 – Dans les rues animées de Lubumbashi, le téléphone portable est devenu un compagnon inséparable des adolescents. Si cet outil technologique offre des opportunités de connexion et d’information, son influence négative sur l’éducation des jeunes devient de plus en plus alarmante. À travers des témoignages poignants recueillis sur le terrain, nous explorons comment cet objet, censé faciliter la vie, est en train de détruire les rêves scolaires de nombreux adolescents dans la capitale cuprifère.

Dans le quartier populaire de Kenya, nous rencontrons Marie, une élève de 15 ans en 4e secondaire au Lycée Tuendelee. Assise sur un banc devant sa maison, elle fait défiler son écran avec une rapidité déconcertante. « Je passe au moins cinq heures par jour sur mon téléphone », avoue-t-elle, les yeux rivés sur une vidéo TikTok. « Avant, j’aimais lire mes cahiers, mais maintenant, je préfère regarder des clips ou discuter sur WhatsApp avec mes amis. » Résultat : ses notes ont chuté de 75 % à 45 % en une année. « Mes parents me grondent, mais je ne peux pas m’arrêter », confesse-t-elle, presque résignée.

À quelques kilomètres de là, dans une école privée, le professeur Joseph Mukamba partage son désarroi. « Les élèves ne suivent plus en classe. Pendant mes cours de mathématiques, je vois des têtes baissées, pas pour prendre des notes, mais pour envoyer des messages ou jouer à des jeux comme Free Fire. » Il raconte l’histoire de Jonathan, un ancien élève prometteur qui a abandonné l’école l’an dernier. « Il passait ses nuits sur son téléphone à regarder des séries. Il arrivait en classe épuisé, incapable de se concentrer. Finalement, il a décroché. »

Dans le quartier Kamalondo, nous croisons un groupe d’adolescents près d’un kiosque. Parmi eux, Patrick, 17 ans, tient fièrement son smartphone bon marché. « J’ai raté mon examen d’État l’année passée », dit-il avec un sourire amer. « Je révisais un peu, mais je passais plus de temps à discuter avec mes amis sur Facebook ou à regarder des matchs de foot en streaming. » Aujourd’hui, Patrick vend des cartes de recharge dans la rue, un destin qu’il attribue à son addiction au téléphone. « Si j’avais moins utilisé cet appareil, peut-être que j’aurais eu mon diplôme », regrette-t-il.

Les parents ne sont pas en reste. À la cité Gécamines, Mme Esther, mère de trois adolescents, se lamente : « J’ai acheté un téléphone à ma fille aînée pour qu’elle puisse faire des recherches scolaires. Mais maintenant, elle passe ses nuits à chatter ou à regarder des vidéos. Ses professeurs m’ont dit qu’elle dort en classe. Je ne sais plus quoi faire. » Cette situation est devenue si courante que certains parents envisagent de confisquer les appareils, mais les adolescents trouvent souvent des moyens de contourner ces restrictions.

Les chiffres locaux, bien que difficiles à obtenir avec précision, parlent d’eux-mêmes. Selon un enseignant du Lycée Waza, environ 60 % des élèves de sa classe ont vu leurs performances scolaires baisser depuis qu’ils ont acquis un téléphone portable. « Les devoirs ne sont plus faits, les livres sont délaissés, et les discussions en classe tournent autour des dernières tendances sur les réseaux sociaux », déplore-t-il. Les distractions incessantes – notifications, jeux, vidéos – volent aux adolescents des heures précieuses qui auraient dû être consacrées à l’apprentissage.

Un autre exemple frappant nous vient de l’école secondaire Bel-Air, où une élève de 16 ans, Sylvie, a été surprise en train de tricher lors d’un examen. « Elle utilisait son téléphone pour chercher les réponses sur Google », raconte son professeur. Expulsée temporairement, Sylvie risque de redoubler son année. « Avant, elle était parmi les meilleures, mais depuis qu’elle a ce téléphone, elle ne se concentre plus », ajoute l’enseignant, désemparé.

Face à ce constat, les éducateurs et les familles de Lubumbashi appellent à une prise de conscience collective. « Il faut éduquer les jeunes sur l’usage responsable du téléphone », insiste M. Mukamba. Certains proposent des mesures radicales, comme interdire les portables dans les écoles, tandis que d’autres plaident pour des ateliers de sensibilisation. « Les adolescents doivent comprendre que leur avenir est plus important qu’un like ou une vidéo virale », souligne une directrice d’école.

À Lubumbashi, le téléphone portable, bien qu’omniprésent, est en train de devenir un ennemi silencieux de l’éducation. Les histoires de Marie, Jonathan, Patrick et Sylvie ne sont que la pointe de l’iceberg. Si rien n’est fait, une génération entière risque de voir ses ambitions scolaires réduites à néant, emportées par le flot incessant des écrans. La question demeure : comment réconcilier technologie et éducation avant qu’il ne soit trop tard ?

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